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Biais Cognitifs à la Marocaine : Kifach Notre Cerveau Nous Joue des Tours entre Tradition et Modernité

Ces pièges mentaux qui nous gouvernent depuis les souks jusqu’aux tours de Casa

Dans son livre fascinant « Votre Cerveau vous joue des tours », le psychologue Albert Moukheiber dévoile ces mécanismes cachés qui influencent nos décisions quotidiennes. Au Maroc, entre tradition millénaire et modernité galopante, ces biais cognitifs prennent des couleurs particulièrement savoureuses.

Le biais de confirmation : Quand l7al renforce nos croyances

Imaginez-vous dans un souk de Marrakech, négociant un tapis berbère. Votre vendeur vous assure que ce tapis vous portera bonheur – « had zzrbiya ghadi tjib lik lbaraka« . Votre cerveau, par le biais de confirmation, va chercher tous les signes qui confirment cette croyance : les couleurs qui vous plaisent, la douceur de la laine, l’histoire romantique du tissage…

Ce même mécanisme opère quand votre khalti de Salé vous affirme que boire de l’eau chaude le matin guérit tous les maux. Inconsciemment, vous noterez chaque petit bien-être ressenti et oublierez les jours où ça n’a rien changé. C’est humain, c’est universel, et c’est marocain !

L’effet de halo : Entre baraka w sum3a

Dans notre culture, la notion de baraka (bénédiction) crée parfois un puissant effet de halo. Un marabout réputé voit tous ses conseils auréolés de sagesse, même quand il parle de sujets qui n’ont rien à voir avec la spiritualité – « had ssiyid 3aref f kol chi« .

De même, à Casablanca, un businessman prospère sera écouté religieusement sur tous les sujets – économie, politique, même cuisine ! Son succès dans un domaine projette automatiquement une aura de compétence sur tout le reste.

Le biais d’ancrage : Quand le premier prix fixe tout

Ah, l’art marocain de la négociation ! Il repose en grande partie sur le biais d’ancrage. Quand le marchand de belgha annonce « 800 dirhams » pour des chaussures qui en valent 100, il plante un ancrage mental. Même si vous négociez jusqu’à 200 dirhams, vous aurez l’impression d’une victoire – « rbe7t liya« … alors que le prix juste était plutôt 120 !

Ce biais fonctionne partout : dans l’immobilier casablancais, dans les négociations professionnelles, même dans nos relations familiales quand lwalida fixe ses attentes !

La dissonance cognitive : Entre spiritualité w consumérisme

Albert Moukheiber explique brillamment comment nous vivons avec des contradictions mentales. Au Maroc, cette dissonance cognitive se manifeste de façon unique : nous prônons les valeurs spirituelles de simplicité tout en désirant ardemment les derniers smartphones.

Plutôt que d’accepter cette contradiction, notre cerveau crée des justifications : « Ana m7taj had telephone« , « C’est un outil de travail », etc. Nous réduisons ainsi l’inconfort psychologique de nos incohérences.

Le biais de disponibilité : Quand les infos déforment la réalité

Les médias marocains, comme partout ailleurs, exploitent involontairement le biais de disponibilité. Les faits divers dramatiques occupent nos esprits, créant une perception faussée de la réalité. « Lmaghrib khayb » devient notre refrain, alors que statistiquement, notre pays est plus sûr que jamais.

Ce biais nous fait surestimer les risques dramatiques (accidents d’avion, attentats) et sous-estimer les vrais dangers du quotidien (accidents de la route, sédentarité).

Comment déjouer ces pièges mentaux ?

  1. La pause du ta3ammol : Avant chaque décision importante, prenez le temps de réfléchir. Demandez-vous : « Wach ana kat7akam bisaraha wla b khof?« 
  2. La consultation des nas dial l’3aql : Entourez-vous de personnes qui osent vous contredire respectueusement.
  3. L’auto-observation bienveillante : Notez vos réactions automatiques sans vous juger, juste pour mieux vous connaître.

Conclusion : Vers une sagesse cognitive marocaine

Connaître ces biais, c’est déjà commencer à s’en libérer. En mêlant la sagesse psychologique moderne d’Albert Moukheiber à notre héritage culturel de réflexion et de ta3ammol, nous pouvons développer une intelligence émotionnelle authentiquement marocaine.

Car au fond, nos jdoud le savaient déjà : « Lli ma3endou 3aql, ma3endou walou » – celui qui n’a pas la raison n’a rien. Il est temps de retrouver cette lucidité ancestrale pour naviguer dans le monde moderne.